Huffington Post : « La Gouvernance d’internet: la Francophonie, une solution innovante? »

Huffington Post : « La Gouvernance d’internet: la Francophonie, une solution innovante? »

Huffington Post.fr – Tribune « La Gouvernance d’internet : la Francophonie, une solution innovante ? »

 

D’après Wikipédia, Internet est un terme d’origine américaine, dérivé du concept d’internetting (en français : « interconnecter des réseaux »).

Une façon de ne pas oublier la « responsabilité » historique des Américains dans le fonctionnement et le développement d’internet.

En effet, même si l’intervention légitime de l’Union internationale des télécommunications (IUT), organisation onusienne représentant 193 pays, a été envisagée dans un premier temps, les fonctions de gestion des ressources critiques ont été attribuées en 1998, contre toute attente, à l’ICANN, association de droit privée américain.

En novembre 2012, la réunion de l’IUT à Dubaï a relancé le débat pour remettre en cause la prééminence des États-Unis et plaider pour une multilatéralisation de la gouvernance de l’internet au sein d’une instance, qui pouvait être à nouveau l’IUT.

Mais ce nouveau traité international fut un échec, 55 pays dont la France et les États Unis ont refusé de le signer.

La notion « un territoire, un pays » n’a pas suffi à rendre compte des réalités actuelles.

Avec les révélations d’Edward Snowden en juin dernier, tout s’est accéléré et de nombreux États (pays en voie de développement et émergents) contestent la place centrale détenue au plan international par différents organes de normalisation aux seules mains, de leur point de vue, des États-Unis au premier rang duquel ils placent l’ Icann , dont on s’accorde à trouver le fonctionnement complexe et opaque et une légitimité contestée.

Même l’Europe s’est ralliée à cette contestation.

Sous la pression, son actuel président Fadi Chehadé a proposé d’internationaliser son association de droit privé américain sous la tutelle du Département de commerce US.

Avait-il le choix ?

Le Département du commerce vient, contre toute attente, d’accepter le processus de transition de l’ICANN vers une organisation internationale pour 2015…

Et ses contours juridiques à préciser.

Sur cette question de gouvernance mondiale de l’internet, le Brésil organise en avril une conférence internationale, au cours de laquelle toutes les parties prenantes, États, secteur privé et société civile, sont invités à réfléchir sur une nouvelle gouvernance qui doit à tout prix éviter les tensions de Dubaï entre deux blocs, les uns favorables à une gouvernance d’internet au niveau national (La Chine, la Russie), les autres (Les États-Unis, l’Europe et la France) pour un ICANN comme instance internationale.

Et entre les deux blocs, beaucoup de pays indécis, comme à Dubaï, dont les pays francophones et africains.

La Francophonie, que nous fêtons jeudi 20 mars, représente assurément une troisième voie, pour une gouvernance plus ouverte et plus juste à construire.

En 2050, il y aura 600 millions à 1 milliard de francophones dans le monde, contre 300 millions aujourd’hui. Ainsi, neuf francophones sur dix seront africains.

L’organisation internationale de la Francophonie (OIF) est une communauté dont le ciment est la langue française et un outil de promotion de la démocratie et de l’aide au développement.

De plus, elle bénéficie d’une solide représentativité de 77 États et gouvernements dans les débats sur la gouvernance mondiale d’internet.

L’accessibilité de tout un chacun au « réseau » est évidemment une question majeure alors que l’internet constitue un puissant vecteur de diffusion et de partage des connaissances.

Deux personnes sur trois à l’échelle du monde ne possèdent pas encore de connexion internet.

L’inscription, parmi les Objectifs du Millénaire, de l’objectif n°8, pour le développement, de l’extension de l’usage de l’internet, conforte la pertinence de cette vision.

Selon les chiffres fournis par Maaya, réseau international pour la promotion de la diversité linguistique 5% des langues du monde sont représentées dans le cyberespace et encore avec des écarts considérables.

La prééminence de la langue anglaise, la production de contenus dans les pays développés et la force de frappe de leurs entreprises comptent parmi les causes principales de la fracture numérique entre le Nord et le Sud et d’un certain appauvrissement de la sphère francophone. Ses formats, sa typographie, sa gouvernance, ses protocoles et normes restent liés au milieu anglophone où il est né.

Mais la situation est en train de changer au fur et à mesure de l’expansion du réseau.

On constate en premier lieu la réduction relative du nombre d’internautes anglophones (passé de près de 50% en 2001, avec 2/3 des sites web en langue anglaise, à 25% en 2011)

Un signe supplémentaire de progrès vers le multilinguisme réussi sur internet est la création des IDN (internationalized domain names).

Après plusieurs années de blocage, l’Icann a consacré la possibilité d’écrire des noms de domaines nationaux dans leur langue d’origine.

C’est bien évidemment une question de standards, de normes techniques, mais aussi une question éminemment politique.

En Afrique (hors Afrique du Sud), le taux moyen de pénétration de l’internet n’excède pas 5,6%, quand en Europe, il est de 60,7%.

En devenant une ressource mondiale, l’internet, comme les océans, l’espace, l’eau, appelle l’élaboration de mesures de protection dans le cadre d’une coopération internationale qui, il faut bien en convenir, peine à émerger.

Ainsi, le défi consiste à construire et soutenir des dispositifs qui soient compatibles non seulement avec les différents ordres nationaux mais aussi, et sans doute, plus profondément avec les différents registres comme la diversité culturelle et linguistique, l’instauration et le développement des valeurs démocratiques, le rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle, le renforcement de leur solidarité par des actions multilatérales en vue de favoriser l’essor de leurs économies, objectifs consignés dans la Chartre de la Francophonie.

 

Nathalie Chiche, rapporteure d’une étude du CESE sur « Internet : pour une gouvernance ouverte et équitable »