Le Monde Economie – Bataille autour de l’adresse « psg.com »

Le Monde Economie – Bataille autour de l’adresse « psg.com »

Le Monde Economie – Bataille autour de l’adresse « psg.com »

Les grandes entreprises et le gouvernement français devraient se préoccuper du contrôle qu’exerce de fait l’administration américaine sur les noms de domaine, argument marketing majeur de l’économie numérique, prévient Nathalie Chiche, rapporteure de l’étude « Internet : pour une gouvernance ouverte et équitable », du CESE.

 

La gouvernance d’Internet ne mobilise guère les foules, à commencer par les politiques. Sans doute parce que le sujet est technique et ennuyeux et qu’il ne regarde a priori que les professionnels de l’Internet. Pourtant, le système d’attribution des adresses Internet (ou noms de domaines) est devenu un enjeu crucial pour toutes les marques, notamment une des plus populaires de France, celle du célèbre club de foot Paris-Saint-Germain !

En effet, le site du club ne peut se trouver sur Internet qu’avec le nom de domaine psg.fr ; il ne possède pas, contrairement aux autres clubs de foot internationaux, son nom de domaine psg.com.

Pourtant, le nom de domaine est le principal moyen, à l’échelle mondiale, de communiquer sur son activité, de rallier sa clientèle et d’élargir une réputation commerciale déjà existante.

Ce sujet avait déjà provoqué en 2014 un conflit ouvert entre l’ensemble de la filière viticole française et l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Icann), au sujet de l’attribution de l’extension .vin et .wine à la société Donuts, un candidat ayant déposé un dossier lors de l’ouverture de nouvelles extensions en 2012 par l’ICANN.

 

Jamais propriétaire du nom de domaine

Rappelons que l’Icann, association à but non lucratif (!) sous la tutelle du département américain du commerce, est chargé, depuis sa création en 1998, de l’attribution des extensions et de la gestion des noms de domaines. En 2012, l’Icann a décidé d’ouvrir de nouvelles extensions Internet, comme celui dédié au vin. Pour cela, il fallait déposer un dossier dont le coût était de185 000 dollars, et aucun des acteurs français du monde vinicole n’avait déposé de dossier. Un compromis fragile a été conclu, l’affaire reste à suivre.

Le problème est un peu différent pour le club de football Paris-Saint-Germain, il n’a tout simplement jamais été propriétaire du nom de domaine psg.com ! Un constat très préjudiciable pour les propriétaires du club, qui affichent leur ambition de rayonnement international.

C’est en effet un petit malin nommé Randy Bush, un ingénieur américain qui travaille à présent pour le plus gros fournisseur d’accès Internet nippon, qui s’est porté acquéreur en 1990 du nom de domaine psg.com, à l’époque où le numérique ne concernait qu’une petite communauté d’initiés.

Depuis, flairant l’affaire juteuse, il a mandaté un jeune agent français, Erwan Kina, pour négocier avec le club parisien le nom de domaine psg.com, dont la valeur pourrait être à présent à sept chiffres !

Bien sûr, le jeune agent a déjà exprimé son souhait de privilégier les propriétaires du club de football, mais il semble que le club de foot lui ait opposé pour l’instant une fin de non-recevoir, leur priorité étant ailleurs… Cette situation est d’autant plus dangereuse pour le club que le jeune agent a confié au site Foot01.com que « deux autres entreprises sérieuses qui s’appellent PSG pourraient avoir le budget »

 

« Premier arrivé, premier servi »

En fait, récupérer psg.com pourrait s’avérer ardu pour le PSG, car l’ICANN applique la règle

« premier arrivé, premier servi!» lors de l’attribution et se désintéresse ensuite totalement des suites, la partie lésée devant prendre l’initiative d’une procédure judiciaire pour racheter le nom de domaine tant convoité, certains pouvant atteindre plusieurs millions de dollars.

Pourtant, il existe une troisième voie pour le club Paris-Saint-Germain, entre le marteau (la justice) et l’enclume (l’agent Erwan Kina).

Cessons de croire que nous devons rester asservis à l’ICANN, et privilégions une solution alternative, celle d’une « racine ouverte » (c’est -à-dire ouverte aux extensions et aux noms de domaine… en dehors de ceux de l’ICANN), comme le propose la société Open-Root, dont le fondateur est un certain Louis Pouzin, l’inventeur du datagramme et le concepteur du premier réseau à commutation de paquets, précurseurs d’Internet.

Open-Root est une start-up française, créée par ce jeune homme de plus de 80 ans, qui propose d’acheter son extension et de créer gratuitement ses noms de domaine au lieu de les renouveler par abonnement comme l’exige l’ICANN.

 

Diktat américain

De ce fait, en plus de « créer » un psg.com à un prix accessible, Open-Root peut aussi proposer au célèbre club de créer ses noms de domaines (dans toutes les langues) en .psg, afin de développer ses propres usages, comme le fait depuis peu Google ou la Chine, où l’on s’est affranchi depuis longtemps de l’ICANN.

Bien sûr, cela demande de la part de notre gouvernement un choix politique. Soit maintenir la suprématie américaine dictée par ses propres intérêts et continuer à accepter le diktat de la politique américaine ; ou proposer une solution alternative à l’ensemble des acteurs économiques français, à commencer par la filière viticole française et le Paris-Saint-Germain.

Rappelons que les Etats-Unis avaient annoncé leur souhait de renoncer en septembre à leur tutelle sur l’ICANN, qui s’est réuni à Dublin du 17 au 23 octobre. Depuis, cette échéance a été reportée au-delà de 2016, jusqu’à trois années supplémentaires si nécessaire…

A la veille du projet de loi numérique annoncé par le gouvernement, il paraît indispensable d’amener les citoyens à interroger l’Internet et sa gouvernance, en termes de projet et de choix de société.