Huffington Post.fr – « Internet: ce qui se joue en ce moment est capital et tout le monde s’en fout »

Huffington Post.fr – « Internet: ce qui se joue en ce moment est capital et tout le monde s’en fout »

Huffington Post.fr – Tribune « Internet : Ce qui se jour en ce moment est capital et tout le monde s’en fout « 

A quelques jours du sommet NetMundial à Saô Paulo (Brésil), de nombreux pays dont la France, négocient en toute discrétion, un avant-projet sur les nouveaux principes de la gouvernance d’internet t et la prochaine feuille de route pour son évolution.

En clair, LE nouveau modèle de la gouvernance d’Internet !

L’enjeu est de taille : prendre en compte les 188 contributions de 46 pays différents pour répondre à la question : qui contrôlera Internet demain ?

A ce jour, la suprématie américaine maintenait un déséquilibre structurel du contrôle de l’Internet en fonction de ses propres intérêts, sans de véritables oppositions.

Mais depuis les révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage massif de la NSA, le rapport de force a changé et le curseur sur l’avenir d’Internet s’est déplacé au Brésil.

Les États-Unis sont à présent obligés de lâcher du lest sur leurs prérogatives : la gouvernance « de l’internet » avec l’ICANN et la gouvernance « sur Internet » avec leur bras armé, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). La situation n’était plus tenable !

D’ailleurs, mesurant l’importance de ces enjeux, Wikileaks a refait surface et a rendu public (sans doute pour des questions de transparence en matière de relations diplomatiques !) l’avant-projet d’accord qui sera entériné à l’issue du sommet le 24 avril prochain.

Ce qui se joue en ce moment est donc capital, et tout le monde s’en fout !

A commencer par nos responsables politiques français qui ont fait preuve d’une grande placidité face aux révélations sur les actes de la NSA, contrairement à l’Allemagne ou le Brésil.

Le Brésil a pris les devants et a voté le 25 mars dernier, une loi visant à réguler la Toile et à protéger la vie privée et les libertés individuelles de ces citoyens.

Cette initiative brésilienne est une première mondiale, qui montre l’exemple au moment où la France tarde à apporter une réponse globale, comme « la loi du numérique » qui se fait attendre, afin de restaurer la confiance de ses utilisateurs.

La priorité du nouveau ministère du numérique doit rendre compatible le développement de l’économie numérique et le respect des droits individuels et des libertés fondamentales des citoyens français.

Sans confiance, pas d’innovation donc pas d’essor de l’économie numérique ! Cela vaut peut- être la peine qu’on s’y intéresse…

Car c’est la tâche du politique d’organiser un débat démocratique (comme le Brésil qui a associé la société civile aux débats) pour que les options soient connues et choisies en toute connaissance de cause par les citoyens.

Encore faut-il que nos politiques français aient aussi accès aux connaissances techniques nécessaires.

Par exemple, en France, comme en Europe, les intermédiaires techniques (essentiellement les hébergeurs) sont responsables pénalement d’un contenu qui leur a été notifié, et doivent eux-mêmes juger du caractère légal ou illégal du contenu, au détriment de l’utilisateur et de sa liberté d’expression.

Au Brésil, les hébergeurs ne pourront être tenus responsables des contenus publiés par les utilisateurs, sauf en cas de non-respect d’une ordonnance judiciaire de suppression de contenus avec la nouvelle loi.

Sur ce sujet, il semble qu’Axelle Lemaire, nouvelle Secrétaire d’état au numérique, ait marqué son opposition à la sur-responsabilité des intermédiaires techniques, concernant le projet de loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes.

En effet, pourquoi confier à des sociétés privées, dont la plupart sont américaines, le rôle de censeur, sur des sujets aussi importants (surtout en France) que l’antisémitisme, l’apologie de crimes contre l’humanité, l’homophobie, la pédopornographie…

Quelle sera la grille de lecture des Google, Twitter et autres, pour juger de la licéité d’un contenu en France ?

Ce qui va se décider au Netmundial à Saô Paulo, c’est donc le mode d’organisation politique d’Internet que nous souhaitons avec lequel on échange, on partage, on commerce, et on fait de la politique.

Bref, la gouvernance d’internet est un problème sociétal, voire philosophique et tout le monde s’en fout…