Les Echos.fr – « Pour un ministère de la Gouvernance d’internet en France »

Les Echos.fr – « Pour un ministère de la Gouvernance d’internet en France »

Les Echos.fr – TRIBUNE « Pour un ministère de la Gouvernance d’internet en France »

L’éparpillement des compétences « numériques » entre de multiples ministères et agences entrave la cohérence et la portée des décisions au plus haut niveau de l’État.

 

Aujourd’hui, internet représente LE nouvel élément de puissance.

Il n’est pas un secteur particulier, car il impacte tous les secteurs de l’économie et change l’organisation politique.

Ainsi, tous les ministères de notre République sont concernés par internet.

Le défi pour nos responsables politiques est d’en saisir les enjeux dans un cyberespace qui s’affranchit des frontières géographiques.

On le constate, les notions traditionnelles de territoire et de souveraineté nationale sont peu opérantes et la gouvernance d’internet (ou sa régulation) demeure un défi de taille pour notre pays.

En effet, les grandes questions relatives à la préservation des libertés, à la neutralité du Net, à la protection des données, à la cybercriminalité, à la circulation des produits culturels, à la diversité culturelle et linguistique ou encore à l’impact environnemental s’invitent au cœur de nos débats et font l’objet de controverses.

Ces grandes problématiques vont s’amplifier avec des évolutions décisives et déjà en marche, comme le déploiement des capteurs connectés sur tous les objets du quotidien et l’informatique en nuages pour le stockage des données.

On pourrait, dès lors, envisager la création d’un super ministère régalien sur les questions liées à internet, doté de moyens politiques, diplomatiques, mais aussi industriels, économiques à la hauteur des défis à relever.

À l’évidence, l’éparpillement des compétences « numériques » entre de multiples ministères et agences entrave la cohérence et la portée des décisions au plus haut niveau de l’État.

Pour l’instant, la France est dangereusement distanciée par de grands groupes de l’internet, principalement américains, sur la captation des données personnelles, le nouvel « or » noir. Leur richesse provient principalement de la collecte, du traitement ou de la vente des informations concernant leurs « clients ».

Le premier enjeu pour la France est de reprendre la main sur ce pillage systématique, avec une stratégie concertée et centralisée pour une meilleure efficacité et de se faire une place incontestée, en créant un pôle industriel majeur de l’internet, comme cela fut le cas jadis envisagé avec le plan Calcul.

Le deuxième enjeu pour la France est de regagner en visibilité dans la gouvernance mondiale d’internet.

Elle dispose d’un atout de taille, avec les révélations d’Edward Snowden.

La gestion des ressources critiques (soit la gouvernance DE l’internet), assurée jusqu’ici par l’ICANN, est remise en cause par toute la communauté internationale.

Actuellement, deux options sont envisagées :

– l’Union internationale des télécommunications (IUT), organisation onusienne représentant 193 pays, option que refusent les États-Unis et l’Europe ;

– ou l’internationalisation de l’ICANN, option que refusent les pays émergents et en voie de développement.

La Francophonie représente assurément une troisième voie, pour une gouvernance mondiale d’internet plus ouverte et plus juste, à construire.

L’organisation internationale de la Francophonie (OIF) bénéficie de plus, d’une solide représentativité de 77 États et gouvernements dans les débats sur la gouvernance mondiale d’internet.

Enfin, en 2050, il y aura 600 millions à 1 milliard de francophones dans le monde contre 300 millions aujourd’hui.

Et, neuf francophones sur dix seront africains.

L’innovation et la réactivité au changement sont les seuls atouts dont la France peut se prévaloir pour regagner en influence sur l’échiquier mondial d’internet.

Et cela commence au plus haut niveau de l’État.

Nathalie Chiche, rapporteure d’une étude du CESE sur « Internet : pour une gouvernance ouverte et équitable »